L'Ogre de Malbouche

ogre de malboucheLou Grin, c'était son nom , marchand de grains de son état, vivait à Peyreleau où, selon la tradition populaire, il faisait preuve de beaucoup d'incivilités et, pour cette raison, fut chassé du village.
Il alla donc se réfugier dans le ravin qui depuis porte son nom, le Ravin de Malbouche, qui, dans des temps lointains, fut un lieu de passage très fréquenté par les voyageurs qui traversaient la contrée, franchissant les escarpes du causse Méjean, puis du causse Noir .

Là, vécut Jean Grin (au lieu dit La Vaysse) dans une masure de pierres qui allait devenir son repaire et où, seule, demeure, relativement intacte, une pièce obscure accrochée aux anfractuosités de la roche et où est aménagé un four qui, dans l'imaginaire collectif, pouvait bien être à la fois l'objet du délit et la signature des forfaits qui lui ont été attribués sans doute abusivement .

Toutefois Jean Grin, rejeté de la communauté, semblait s'accommoder de cette vie à l'état sauvage qu'il appréhendait au mieux, vêtu d'une peau pour, peut-on penser, mieux s'identifier aux bêtes sauvages qui, alors, peuplaient la contrée .

Nous sommes vers la fin du XVIIIè siècle et, malgré la présence de nombreux loups (2000 sont recensés dans le département de l'Aveyron en l'espace de vingt-quatre ans, de 1818 à 1841) le Causse Noir semble relativement épargné .

Mais "vers l'an 1799 apparut dans le pays une bête féroce qui remplit tous les habitants d'une grande frayeur. Sa taille était plus svelte que celle d'un loup. Elle était dans sa marche d'une telle agilité qu'on la voyait dans un lieu, et quatre ou cinq minutes plus tard dans un autre endroit à une lieue de distance ... et malheur aux enfants qu'elle pouvait rencontrer, elle les emportait et leur dévorait, premièrement le foie et ensuite les membres. En l'espace de six mois cette bête fit trois victimes dont un petit garçon de six ans dont on retrouva quelque membre, caché dans la terre au Ravin de Malbouche, là même où, disait-on, était le repaire de l'Ogre".

Voila comment sont consignés les faits dans le livre d'une paroisse avoisinante

Il n'en fallut pas davantage pour accuser l'Ogre de ces terribles méfaits. Dès lors une véritable expédition punitive fut montée et se solda par la capture de Jean Grin qui fût brulé vif dans un four chauffé à blanc... sauf que l'histoire éclairera ensuite la légende, les choses n'étant pas aussi simples qu'il y paraissait de prime abord !

Jean Grin, mi-homme mi bête, n'était pas un simple croquemitaine qu'on invoquait pour effrayer les enfants désobéissants. Pour cela , les parents se servaient de la Dame Rouge ou de Grippet, le petit diable, ces êtres invisibles qui prenaient les tout-petits quand ils n'étaient pas sages... D'ailleurs, mieux valait ne pas en parler car raconter son histoire, c'était le faire venir nous expliquait une dame il y a encore une vingtaine d'années.

Mais l'Histoire, elle, se démarque de la légende en nous apprenant que Jean Grin était un brigand, victime probablement des rumeurs les plus folles, les bruits les moins fondés en ces temps de révolution marqués par le renversement des valeurs traditionnelles et le bouleversement de l'ordre établi.

Toujours est-il que, entré dans la légende, Jean Grin hante toujours le pays de ses méfaits. Et, dans la mythologie caussenarde, il représente toujours le monstre dévorant, l'ogre capable de prendre et de manger les enfants.

Ce dont on est par contre certain, c'est que Jean Grin ne fut pas brulé vif car l'état civil nous apprend qu'il était présent plusieurs années plus tard au mariage de deux de ses filles.

Et puis tant pis, la légende dût-elle en souffrir, nous nous en réjouirions car c'était un ogre bien sympathique dont nous retiendrons simplement qu'il aimait bien les enfants avec qui il adorait jouer "à se faire peur" ce qui lui était facile car, sans pour autant être franchement monstrueux, il n'était pas vraiment attirant .

Traduction

frnlendeites